Archive de la catégorie ‘France’

Un appel national à l’action et à la solidarité lancé par un collectif d’enseignants.

Samedi 15 octobre 2011

http://www.neoprofs.org/t39093-important-actions-et-solidarite-apres-l-immolation-de-lise-bonnafous-au-lycee-jean-moulin-de-beziers#1059826

Bonjour à tous,

Notre collègue du lycée Jean Moulin de Béziers, Madame Lise Bonnafous, a pris la décision terrible de mettre fin à ses jours jeudi 13 octobre à 10h. Elle s’est immolée dans la cour du lycée, sous les yeux des élèves et de ses collègues de travail. Ses graves brûlures ont entraîné sa mort ce vendredi 14 octobre.

Les collègues biterrois de Lise Bonnafous, dans les cités scolaires Henri IV et Jean Moulin, ont exprimé toute la peine et la colère que ce drame a suscité en eux. « Solidarité avec Lise », « Plus jamais ça » : ces phrases ont émaillé leurs témoignages. Ils organiseront lundi à Béziers une marche blanche en mémoire de Lise Bonnafous, et rendront hommage à la défunte durant les prochains jours.

Mais cet événement terrible doit avoir un écho au niveau national. Le suicide d’un enseignant sur son lieu de travail, et dans des conditions aussi violentes, doit être l’occasion d’une profonde prise de conscience de la part de toute la société.

Suite aux discussions entre collègues qui ont eu lieu sur le forum neoprofs.org, nous invitons l’ensemble des professeurs, ainsi que toutes les personnes émues par ce décès, à porter un brassard blanc lundi 17 octobre 2011 à partir de 14h, heure de la marche qui aura lieu à Béziers en hommage à Lise Bonnafous. Nous vous invitons également à porter ce même brassard jeudi 20 octobre au matin, une semaine après l’immolation de l’enseignante qui a eu lieu jeudi 13 octobre à 10h.

D’autres actions collectives peuvent être envisagées : certains collègues envisagent par exemple d’observer une minute de silence lundi 17 octobre à 14h, ou jeudi 20 octobre à 10h. D’autre part, les syndicats de l’Education nationale relaieront, le cas échéant, les appels au débrayage lancés par les collègues biterrois.

Toutes nos pensées vont aux collègues, aux personnels techniques, à l’administration, aux cadres et aux élèves de la Cité Jean moulin de Béziers, qui ont perdu une collègue dans des conditions terribles. Ils ont malgré tout trouvé la force nécessaire pour appeler l’ensemble de la société et des enseignants à rendre hommage à Lise Bonnafous. Nul doute qu’ils auront besoin d’un soutien amical, fût-il symbolique, de la part de toutes celles et ceux qui se sentiront touchés par le décès brutal et violent de Lise Bonnafous sur son lieu de travail.

Outre les discussions qui ont eu lieu sur neoprofs.org, plusieurs témoignages d’hommage sont déjà lisibles sur internet :
- Sur Facebook, un groupe d’hommage a été créé par un élève de Lise Bonnafous : http://www.facebook.com/#!/groups/291836954161765/
- Sur Facebook également, une page d’hommage a été réalisée par un enseignant : http://www.facebook.com/#!/pages/En-hommage-%C3%A0-Lise-Bonnafous-du-lyc%C3%A9e-Jean-Moulin-de-B%C3%A9ziers/301406463219576
- Un blog consacré aux réactions suite à ce suicide a été lancé : http://hommagealisebonnafous.unblog.fr/

Merci de relayer ce message auprès de vos contacts, de vos collègues, de vos proches et de vos amis, ainsi que sur les supports de communication (sites, blogs…) et sur les réseaux auxquels vous participez habituellement.

Sornettes et contre-vérités : de l’importance de s’en tenir à la réalité

Samedi 15 octobre 2011

Lise Bonnafous n’a pas eu seulement à lutter contre l’hostilité et les difficultés quotidiennes auxquelles elle s’est heurtée dans l’exercice de son travail. Même après son suicide, elle a été la cible de rumeurs mensongères, de contre-vérités et d’attaques absurdes.

1) Selon le Midi Libre, « L’enseignante aurait fait une dépression, suite au décès de son enfant handicapé l’an dernier, et aurait été convoquée à plusieurs reprises par la direction de l’établissement ». Il s’agit là d’une première erreur, heuresement retirée au bout d’une dizaine d’heures par le site du Midi Libre. Quand il s’agit de choses aussi sensibles, on s’étonne que le journaliste qui les écrit n’ait pas vérifié ses sources auparavant.

2) La bienveillance et la solidarité des êtres humains est sans bornes.  Qu’on en juge : « Quatre parents d’élèves interrogés ont raconté qu’elle s’occupait peu des élèves en difficulté, préférant les exclure de son cours pour faire travailler les autres. » Il est évidemment strictement impossible d’interdire des élèves au prétexte qu’ils sont « en difficulté » ! Ce sont d’ailleurs les premiers que tout professeur souhaite « faire travailler ». Il y a sans doute derrière cette phrase la volonté de dissimuler que l’enseignante excluait régulièrement des élèves, non pas à cause de leur faiblesse en maths, mais à cause de leur comportement perturbateur ou impropre au travail (seuls motifs légitimes et réels d’exclusion d’un cours).

3) Les commentaires d’un site d’extrême-droite en ont rajouté dans l’horreur, en se lançant dans des considérations racistes : « Je rappelle que la prof s’appellerait selon des commentaires sur le midi libre “bénafous”, origine maghrébine. J’avais donc pas tort de dire que c’était une méthode de suicide “pas très catholiques”. » Est-il nécessaire de souligner le degré d’abjection où l’on peut ainsi parfois tomber ?

Communiqués officiels de deux syndicats de l’Education nationale

Samedi 15 octobre 2011

Les syndicats de l’Education nationale ont réagi à l’annonce du geste de Lise Bonnafous. On trouvera ci-dessous quelques extraits de leurs déclarations :

Le Snes réclame l’instauration d’une demi-journée de débat dans chaque établissement : http://www.snes.edu/Tentative-de-suicide-d-une.html

« La tentative de suicide d’une enseignante de mathématiques dans la cour du lycée Jean-Moulin de Béziers est une tragédie. Les syndicats de l’enseignement secondaire de la FSU (SNES, SNEP, SNUEP) assurent de leur solidarité leur collègue, sa famille, ses proches, les personnels et les élèves de l’établissement.

Un tel drame est probablement le résultat de plusieurs facteurs, mais ils ne peuvent s’empêcher de s’interroger sur la signification du choix du lieu de travail pour commettre cet acte désespéré. Ils auront le souci de s’assurer qu’elle aura bénéficié, dans son parcours professionnel et particulièrement ces dernières années, de tout le soutien, l’écoute et l’accompagnement de sa hiérarchie et de l’institution. Ils souhaitent qu’une attention particulière sur le long terme soit portée à l’équipe éducative et aux élèves de cet établissement.

Ils interpellent le ministre sur l’importance :
- de la mise en place d’une véritable médecine du travail dans l’Education nationale et une politique responsable des ressources humaines qui permettraient d’accompagner au plus près tous les personnels, dont ceux en situation de fragilité,
- de dispositions permettant par le travail en équipe de rompre l’isolement des enseignants
- d’améliorer les conditions générales de travail des enseignants, dont la pénibilité s’est considérablement accrue ces dernières années.

Ils proposent aux autres organisations syndicales de porter avec eux auprès du ministre l’exigence de l’organisation d’une demi-journée dans tous les EPLE dans les semaines à venir, pour impulser le débat sur les réalités du métier et les solutions à apporter. »

Le Snalc, premier syndicat à avoir réaig, donne lui aussi à cet acte une portée générale, en montrant qu’il concerne l’ensemble des enseignants :

« Le SNALC (CSEN-FGAF) a appris avec consternation et amertume la tentative d’immolation publique d’un professeur de mathématiques au Lycée Jean Moulin de Béziers.

Loin de toute polémique, le SNALC tient tout d’abord à exprimer toute sa compassion et sa solidarité à l’égard de ses proches.

Au-delà de ce geste individuel de désespoir, le SNALC rappelle qu’une enquête de l’INSERM datée de 2002 faisait déjà des professeurs la profession la plus touchée par les suicides : 39 cas par an pour 100 000 enseignants. Loin devant France Telecom.

La dégradation constante des conditions matérielles de travail, la dénaturation de la mission de transmission des savoirs au profit des activités occupationnelles, les attentes parfois incohérentes de familles incapables d’éduquer leurs enfants, la complicité des autorités hiérarchiques dans le travail de sape de l’autorité des professeurs : toutes causes de la souffrance de trop nombreux professeurs ; toutes raisons qui font fuir les candidats à l’enseignement ; tous éléments qui, cumulés, peuvent conduire à des actes désespérés qui, s’ils restent individuels, expriment l’immense malaise de toute une profession.

Avec tout le respect dû à ce professeur et sa famille, le SNALC est aujourd’hui en colère : colère de constater qu’agressions ultraviolentes et tentatives de suicide spectaculaires se multiplient, dans l’indifférence générale ; colère de constater que les premiers commentaires médiatiques font une fois de plus porter la responsabilité de l’acte sur un professeur jugé trop « rigide » ; colère que les appels au secours de la profession soient si peu pris en compte, qu’ils doivent désormais s’exprimer par de tels extrêmes. »

Si vous connaissez les réactions officielles d’autres syndicats de l’éducation nationale, merci d’en donner le lien ci-dessous en commentaire, et je les ajouterai à cet article.